Qu'est-ce que la photographie boudoir ?
Le terme photographie boudoir peut directement nous faire penser à des photos typées glamour, sexy, et un tas d’images caricaturales peuvent envahir nos pensées.
Si vous avez vu le film Dikkenek réalisé par Olivier Van Hoofstadt en 2006, vous pensez directement à la vision caricaturale du photographe boudoir prononçant la fameuse phrase « T’es tendue Natacha ? ». Cet homme, se prétextant photographe amateur, profite de son statut pour shooter des jeunes femmes nues ou en lingerie, dans son garage, dans l’unique but de se rincer l’œil.
Au final, cette caricature nous fait souvent penser à des photos vulgaires, peu qualitatives et rappelant les jaquettes des VHS de films X pour ceux qui ont grandi, comme moi, dans les années ’90.
La photo Boudoir : dépasser les clichés
Prêt à en savoir plus sur la photographie boudoir ? Suivez-moi. Je m’appelle Audrey Gueton, je suis basée à Lyon et je fais de la photographie dite boudoir depuis 2014.
À travers cet article, je vais vous présenter cette pratique photographique noble, bienveillante et respectueuse, bien loin des clichés véhiculés par les personnages dignes du film Dikkenek.
Dans la discipline de la photographie boudoir, il existe de véritables artisans photographes talentueux qui produisent de magnifiques images avec un vrai sens artistique.
Ils répondent à une clientèle en attente de prestations professionnelles. La demande pour des portraits intimes, sensuels, érotiques ou même pornographiques est réelle.
C’est en 2015, lors des Journées PEPs organisées par Agnès Colombo et Amélie Soubrié que j’ai eu l’occasion de rencontrer Brianna et Ewan Phelan. Ils ont créé, outre-Atlantique, une communauté de photographes professionnels spécialisés.
Cette communauté s’appelle Do More Wear Less Photographers. En les découvrant, j’ai souhaité que cette communauté et cette spécialité soient aussi valorisées en France.
Lorsque j’ai cherché des formations sur le portrait intime, je n’ai trouvé que des formations techniques et artistiques. Elles ne parlaient pas de business, de direction de modèle qui ne sont pas mannequins, mais juste clients.
De même, en cherchant une séance photo pour moi, les vrais professionnels (entendez par là au moins immatriculés) étaient noyés parmi les photographes amateurs ou artistes qui ne travaillent pas à la commande. De plus, il était difficile d’en trouver proposant des images de qualité, non caricaturales ou encore respectueuses.
Qu’entend-on par photographie boudoir ?
Le terme Boudoir vient de la langue française et désigne une petite pièce réservée aux femmes de bonne société pour leur usage intime, comme la mise en beauté la rencontre de leurs amies féminines. Ces pièces étaient aussi le théâtre de rencontres illégitimes. Les Américains nous ont emprunté ce terme pour faire naître le courant de la « boudoir photography ».
En France, nous parlons aussi de photographie de lingerie, de photographie sexy, de photographie glamour, de photographie érotique ou encore de portrait intime. Il y a différentes approches de la photographie boudoir selon la définition et la philosophie que le photographe donne à ses prestations.
Comment valoriser cette spécialité ?
La principale difficulté rencontrée par les photographes boudoir est la peur : peur de ne pas renvoyer une image professionnelle, mais une vision caricaturale, peur de ne pas trouver son style, de ne pas trouver son approche, peur de ne pas intéresser des clients, peur de ne pas savoir définir ses limites… Comment communiquer sur cette approche de la photo et déconstruire ces peurs ? Je vous apporte quelques éléments de réponse :
1) Donner une image professionnelle
Une séance boudoir, comme toute séance réalisée par un professionnel disposant d’un n° de SIRET (en Belgique, cette immatriculation est dite : « numéro d’entreprise » et il est le même que votre numéro de TVA sans le « BE » comme l’explique cet article) et déclarant son travail, s’aborde en définissant son contenu, mais aussi son prix, son contrat, ses droits à l’image et d’auteur.
Elle demande un cadre juridique pour protéger les clients et le photographe. De telles démarches, simplifiées par Fotostudio, rassurent les clients.
Ensuite, il est essentiel de prévoir un rendez-vous en amont (physique ou virtuel) pour écouter les besoins des clients pour discuter de la séance. Un shooting boudoir implique de rentrer dans leur sphère intime, il est essentiel de les rassurer. Poser un cadre juridique avec eux induit un sentiment positif de sécurité.
2) Proposer un style photographique.
En studio, en la lumière naturelle ou non, à domicile, très posé ou dans une approche lifestyle, dans un style authentique ou très retouché… À vous de voir ce qui vous correspond. Comme dans chaque spécialité, il n’y a pas une seule façon de faire des photos. Il faut par contre se former, maîtriser son outil de travail et la technique. La direction des clients doit être assurée, car il ne s’agit pas de modèles professionnels.
Dès la prise de vue, l’image doit être construite, composée. Il est aussi important de travailler son post-traitement et d’insuffler son identité sur ses images. C’est pour ce style que les clients vous choisiront. Votre regard en portrait intime peut aussi s’affiner en s’inspirant de l’univers du cinéma, des livres, des magazines, de la peinture…
3) Définir son approche et ses motivations
Chaque photographe dispose de son approche du boudoir : vous pouvez faire de la photo de lingerie orientée plutôt vers l’esthétisme et la retouche mode, choisir le glamour, le féminin pour faire vivre des expériences liées à la féminité de vos clientes. Vous pouvez assumer l’ultra-sexy ou à l’inverse la délicatesse subtile de la sensualité. Il y a une multitude de possibilités et c’est justement pour cela que les clients vous choisiront plutôt qu’un autre photographe, parce que vous correspondrez à l’expérience qu’ils cherchent.
Certains photographes quant à eux, proposent une approche thérapeutique pour aider les personnes à se reconstruire ou à aimer leur corps. D’autres choisissent une démarche féministe pour s’affranchir des diktats de la société et montrer au monde d’autres morphologies que celles dites « instagramables ».
Certains veulent juste montrer la beauté des femmes ou leur faire vivre le temps d’une journée l’expérience d’être comme les stars et leur offrir des images qui les subliment.
Enfin, certains aiment juste le challenge de faire de belles images en repoussant certaines limites. Il y a plein d’autres motivations pour les photographes pour faire de la photographie boudoir (documenter l’intimité d’un couple, amortir l’utilisation de son studio…).
4) Trouver de la clientèle pour ce type de séances
On me demande souvent si j’ai des demandes bizarres ou clairement hors sujet. Cela arrive, mais il en est de même sur mon site « non-boudoir ». Les propositions indécentes que j’ai déjà reçues ne me choquent pas plus que ça. La plupart du temps j’ignore simplement la demande, ou bien je reste claire et professionnelle. Rien que de parler de tarifs et contrats fait du tri.
La plupart de mes clients sont juste des hommes et des femmes comme tout le monde, ils ne sont pas forcément libertins. Ils veulent, pour la plupart du temps, garder un souvenir de leur vie et de l’intimité qui les a unit avant de commencer l’aventure de la parentalité. Certaines femmes, jeunes mamans, aspirent aussi à se retrouver en tant que femmes. Les hommes sont souvent plus complexés et plus pudiques que les femmes, contrairement aux idées reçues.
5) Définir ses limites pour éviter la vulgarité
Nous n’avons pas tous les mêmes notions de pudeur, la même ouverture d’esprit, la même éducation. L’important est de respecter ce que l’on est et de trouver la clientèle en accord avec soi.
Personnellement, j’ai commencé en ne faisant que les portraits de femmes, car je ne me sentais pas à l’aise avec les couples. Je faisais de la photo de lingerie/glamour très axée sur le côté féminin plutôt que du portrait intime comme je le définis aujourd’hui. Et puis j’ai évolué, j’ai pris confiance en ce qui me motivait vraiment et j’ai défini ce qui m’animait dans la photographie boudoir.
Mon offre a donc naturellement évolué vers des photos plus authentiques et lifestyle. Elle s’est aussi ouverte aux couples pour documenter leur vie dans l’intimité, là où personne n’est d’habitude témoin de ce qu’il se passe. Rien n’est inscrit dans le marbre ; il faut juste essayer, voir ce qui vous plaît. Il faut aussi tester vos limites, savoir ce qui vous met mal à l’aise.
Par exemple, vous venez de lire « documenter leur vie dans l’intimité ». Cette phrase n’est pas reçue de la même manière par tout le monde ; cela ne signifie pas forcément photographier les ébats d’un couple !
Personnellement, j’aime être témoin des relations amoureuses comme personne ne les voit : intimité ne veut pas dire nudité ou sexualité, elle implique un spectre infini de moments comme la tendresse d’un câlin devant Netflix, un sourire échangé au petit-déjeuner, les pieds qui se caressent sous la table… Chaque moment est ponctué d’une intensité variable de désir, au même titre que le désir qui brûle sous les draps… Mais l’intimité dispose d’autant de définitions que de perceptions.
6) Communiquer sur ce type de prestations
Il n’y a pas de recette miracle, la photographie boudoir se vend comme tout type de prestation photographique, bien que la confiance et le feeling sont tout de même plus importants pour ce genre de séance qui rentre dans le cercle de l’intime.
En ce qui me concerne, les clients me contactent via le bouche-à-oreille. Quand vous vous lancez dans la photographie boudoir, il est primordial de montrer un site internet de qualité et référencé.
L’avantage du site est que vous êtes chez vous : vous pouvez publier les images que vous voulez, contrairement aux réseaux sociaux. D’ailleurs, cela devient complexe d’y publier de la photographie boudoir. La nudité (partielle ou non) mène à la censure, aux risques de signalements et de bannissement des algorithmes… Pas simple ! Avant de prendre le risque d’être banni des réseaux pour une durée (in) déterminée, n’hésitez pas à consulter les règles de conformités de Facebook.
Personnellement, je ne compte pas du tout sur les réseaux sociaux pour me faire connaître, ils m’aident juste à montrer quelques images quand j’échange avec des prospects, mais ma clientèle idéale ne s’y trouve pas et ce médium ne correspond pas au style d’image que je fournis (plutôt sensuelles, voire érotiques).
Je préfère développer cette partie de mon activité en osant en parler à tout le monde, partout, tout le temps : que je sois sur un mariage ou en séance famille, j’assume de leur parler de mon site spécialisé si l’opportunité se présente. Je ne le faisais pas au début, je ne voulais pas mélanger mes activités photographiques « classiques » et le boudoir, mais je me suis rendu compte que beaucoup de gens caricaturaient cet aspect de mon activité.
J’ai donc décidé de montrer que ce que je faisais puisque cela n’avait rien de déviant ou de vulgaire et cela m’a permis de recevoir d’excellents retours.
Alors pourquoi avoir fait le choix de proposer deux sites et deux identités commerciales distinctes ? Tout simplement parce que je n’assumais pas de mélanger les deux à une certaine période. Encore aujourd’hui, j’ai du mal, les réseaux sociaux, à publier une photo érotique entre un portrait de bébé et une photo de mariage.
Je préfère que cette activité, comme son nom l’indique, reste dans le boudoir, dans son petit salon, son petit espace de confiance, même si je crée de plus en plus de passerelles entre mes deux activités.
Qu’est-ce que KorZéaM, les rencontres photographiques du portrait intime ?
“Je suis adepte de l’adage qui dit que “Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin”. C’est pour ça que j’ai créé KorZéaM en 2019.”
J’éprouvais l’envie de discuter avec des collègues professionnels de la photographie boudoir. Je voulais pouvoir échanger avec des photographes qui ont chacun leur approche, leur clientèle et leur communication. Nous étions plusieurs à vouloir valoriser cette discipline et défendre notre professionnalisme. La demande aussi de certains de se former à la pratique a fait naître cet événement sur 2 jours. En 2020, je renouvelle l’aventure. Je repars avec 4 nouveaux intervenants aux univers variés et aux approches différentes. KorZéaM se déroulera le lundi 16 mars et le mardi 17 mars à Lyon (au Mood Atelier).
Les intervenants sont : Margaux Pastor • Julien Saura • Amandine Crochet • Brice Leclert
Intervenante et organisatrice : Audrey Gueton
- 🔸 Le lundi nous découvrirons l’univers de chaque intervenant en faisant un focus sur une thématique.
- 🔸 Le mardi nous proposerons deux ateliers pour ne pas être que dans la réflexion mais aussi dans la pratique.
Tout doucement une communauté de photographes qui s’entraident et s’inspirent est en train de naître. Nous en sommes au frémissement mais quand je vois de plus en plus de collègues proposer des séances « intimate » pour les femmes et pour les couples aussi, je me dis que nous sommes sur la bonne voie !